Qu’est-ce qu’une vie d’homme ?

C’est une lutte permanente entre espoir et désespoir, entre lucidité et ferveur.

Je suis du coté de l’espérance mais une espérance lucide, conquise, dénué de toute naïveté !

Aimé CESAIRE

Volga-Plage, une épopée

VOLGA PLAGE


Au dernier recensement de l’INSEE, Volga-Plage comptabilisait 3 385 personnes et presqu’un tiers de sa population est âgé de moins de 20 ans. 47% de sa population comprise dans la tranche d’âge des 15 ans et plus n’est pas scolarisée et ne dispose d’un aucune diplôme, un taux plus élevé que la moyenne départementale, qui elle se situe aux alentours de 21,3%. A ceci s’ajoute un taux d’inactivité important avec pas moins des 533 individus au chômage sur les 1 291 actifs que compte le quartier. Enfin à ce tableau socioéconomique difficile s’ajoute le classement de Volga-Plage en « Quartier d’habitat insalubre ».  Ces statistiques et cette classification réduisent la dimension humaine et sociale de Volga-Plage pour n’en dresser qu’une image de quartier défavorisé. Or pour qui se rend ou vit à Volga-Plage, la réalité est tout autre. Si l’on ne peut nier la précarité des conditions de vie d’une grande partie des habitants, en particulier la tranche des 16- 40 ans, ces statistiques ne rendent pas compte de l’identité de Volga-Plage. Loin des stéréotypes qui dressent de Volga le portrait d’un « repère malfamé », « d’un quartier coupe-gorge », « dangereux », Volga-Plage offre une toute autre image où les valeurs d’entraide, de solidarité et d’initiative individuelle revêtent un sens profond.

Situé dans une zone marécageuse, les débuts de Volga, dans les années soixante,  sont identiques à ceux de nombreux quartiers situés aux alentours de Fort-de-France : un jeu de cache-cache avec les forces de loge venus déloger ces occupants illégaux et une volonté farouche des occupants à s’y installer. 

Ces derniers venus de toute les campagnes de l’île, mais aussi de quartier comme Morne-Pichevin construisent eux-mêmes ou à l’aide de coups de main leur habitat, par des moyens de fortune l’un aménage une voie de passage à proximité de chez lui, un autre charroie graviers et pierre pour durcir la route , dans un environnement naturel hostile à l’implantation humaine.  De cette farouche détermination à survivre puis à vivre décemment nait le quartier que l’on connaît aujourd’hui, un quartier qui n’est pas dénué de charme.
Pour qui se promène à Volga, le lieu apparaît comme un petit village protégé des regards trop curieux, par une nationale qui le sépare de la baie, et une industrie –la Cimenterie- qui le borde.  L’anonymat de la ville foyalaise, pourtant toute proche, contraste avec la convivialité qui règne à Volga-Plage. L’on s’apostrophe, échange quelques mots, prend des nouvelles de untel entre deux courses à la boutique du coin. Volga déborde de vie. Et cela nulle statistique ne peut en rendre compte. Ici le réseau relationnel est dense, et même si plus d’un déplore « que ce n’est plus comme avant », Volga reste un quartier où les valeurs d’entraide, de solidarité prennent tout leur sens.
Ainsi la place située en face de la maison de quartier témoigne de ce lien qui unit les habitants de Volga entre eux : jeunes et moins jeunes s’y retrouvent, échangent quelques paroles avant de reprendre chacun ses activités qu’il s’agisse d’une partie de belote, d’une partie de dominos ou tout simplement « un milan » sur une connaissance commune tandis que d’autres attablés au bar qui a installé une ou deux tables aux abords du lieu diffuse de la musique pendant que quelques clients sirotent une bière. Le soir, l’animation se poursuit pour prendre une tournure plus conviviale à l’approche du week-end . Le vendredi soir est le moment des grillages entre amis ou de l’animation improvisée sur la place ou tout simplement l’occasion de promener un bébé, comme d’accoutumée. Entre lieux d’animation et pôches de tranquillité, Volga a su préserver un mode de vie où la convivialité règne en maître. L’on vient même d’autres quartiers environnant pour passer le début du WE à Volga, car « ici on sait être ensemble » dit un résident de Schoelcher habitué chaque semaine à venir à Volga-Plage passer sa soirée du vendredi.

Volga regorge de vie et de vitalité, et pour comprendre ce quartier il faut faire preuve d’humilité et sortir des antagonismes classiques qui dévalorisent les modèles socioéconomiques « en marge » de la norme établie. Le contexte socioéconomique de Volga a encouragé le développement de formes d’apprentissage qui ne passent pas par le cadre éducatif conventionnel. Le pourcentage important d’individus sans diplôme doit être contrasté avec l’apparente maîtrise de compétences pratiques à visée professionnelle dont font montre de nombreux individus. Mécanique, électricité, bricolage, entretien des espaces verts, autant de compétences acquises sur le tas, qui  témoignent de ce potentiel. Un autre exemple peut être donné dans l’apprentissage de l’anglais. Il n’est pas rare d’entendre des habitants de Volga échanger partiellement en anglais avec les nombreux originaires de Saint-Lucie que compte le quartier,  ces mêmes individus qui se trouveraient en situation d’échec dans un cadre scolaire.

Volga possède sa propre identité, certes comme tout espace habité, mais elle est unique et  cette singularité fait de ce quartier un espace à préserver et à accompagner. Un espace à préserver afin de favoriser l’émergence des nombreux potentiels humains qu’il recèle, un espace qui doit faire figure d’exemple pour le reste de l’île par les modes de vie qui s’y maintiennent.  

L’identité de Volga réside dans le maintien d’un tissu social encore opérationnel mais également et surtout dans la fierté personnelle de ses habitants à avoir réussi à faire surgir de la boue un lieu de vie, par leur seule volonté. Cette histoire fondatrice nourrit la fierté d’être de originaire Volga et se retrouve dans le dynamisme dont fait preuve une grande part de la population. S’il est vrai que les [15-30] ans , à l’instar de ce que l’on observe en Martinique et ailleurs dans les sociétés modernes, ne développent une combativité identique à celle de leurs aînés pour surmonter les difficultés qui se présentent à eux, l’on est frappé à Volga-Plage dans les diverses rencontres par le dynamisme et l’ambition individuelle, chacun à sa manière veut « faire avancer son quartier », « aller de l’avant », « ne pas baisser les bras » . Des initiative individuelles qui s’essoufflent faute d’être épaulées par une instance institutionnelle.















Loin d’une description idyllique, Volga a su préserver du lien social, mais doit aussi faire face aux difficultés socioéconomiques d’une part importante de ses habitants; en coutre ici comme dans le reste de l’île, les problèmes liés à la toxicomanie, aux vols ont fait leur apparition. Pour prévenir  la dégradation du cadre de vie et éviter que Volga-Plage ne devienne un quartier d’oubliés, il est impératif de soutenir les initiatives individuelles des habitants en accompagnant leurs projets de développement socioéconomique. Paraphrasant la phrase conclusive du discours de Pierre Aliker à l’enterrement de son ami de toujours Aimé Césaire, « c’est aux habitants de Volga-Plage  de prendre les décisions pour Volga-plage » Car s’il y a bien une leçon à tirer de ce quartier, c’est qu’on doit partir de l’existant, de ce qu’attendent les individus, pour trouver les réponses qui conviennent au mieux à leurs attentes.

C’est donc pour répondre à cet objectif que les habitants du quartier et les associations ont fondé un collectif du nom de Volga-Plage Territoire Responsable porteur du projet du même nom.

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